J’observe une confusion entre agroécologie et agriculture biologique lors de mes discussions avec des paysans, des citoyens ou encore, des professionnels du secteur agroalimentaire. Pour plusieurs, les connotations écologique et biologique réfèrent tous deux à l’environnement et leur semblent similaires.
Les points faibles de la certification biologique
L’exemple que je donne fréquemment pour expliquer la nuance est le fait qu’on peut faire de l’agriculture biologique tout en asséchant les réserves d’une nappe phréatique. Je crois que biologique et agroécologique doivent être compris de différentes façons, même s’ils ont de nombreux points en commun. Bien entendu, l’agriculture biologique est plus connue du fait de sa certification. La certification biologique m’a été décrite comme complexe pour de nombreux paysans, elle demande du temps et des investissements supplémentaires. Ils sont également pris avec les contraintes du cahier des charges et ont moins de latitude sur leur parcelle. Ainsi certaines entreprises maraîchères décident de ne pas adhérer à la certification, et ce, même s’ils cultivent leur terre de manière biologique. Ces contraintes sont selon moi, l’une des raisons pour ne pas avoir de certification agroécologique.
Le besoin d’appartenance en agroécologie
D’un autre côté, lors de discussions avec des paysans, j’ai entendu qu’ils aimeraient avoir un lien d’appartenance entre maraîchers écologiques. Ils aimeraient se regrouper et partager leurs essais-erreurs ou encore mieux, leurs succès dans certains domaines agroécologiques tels que la santé des sols ou la gestion de l’eau. Ainsi le besoin de partager entre eux, d’appartenir à un groupe et de se distinguer auprès du public semble être un besoin. Des entreprises apposent même des termes tels que « cultivé en sol vivant » sur leurs étiquettes. Pour une clientèle déjà sensible aux enjeux environnementaux, cette mention peut être attirante, en plus de montrer les valeurs de l’entreprise.
Une certification pour l’agroécologie?
Contrairement à l’agriculture biologique, je ne verrai pas une certification institutionnalisée pour l’agroécologie. Compte tenu du volet social que couvre cette dernière, je crois qu’une démarche collaborative, en co-création, serait plus appropriée. Comme l’agroécologie s’intéresse aux pratiques paysannes et aux mouvements sociaux, je crois que ce mouvement agroécologique doit être citoyen, il doit venir du peuple, de la base. Les principes utilisés par l’intelligence collective et le Design thinking seraient tout à fait appropriés pour définir un concept agroécologique.
Des ateliers de co-création
Une des méthodes utilisées est de faire différents ateliers de co-création pour permettre à toutes les personnes impliquées de donner leur avis pour la création de cette certification. Ainsi, on pourrait retrouver des citoyens, des politiciens, des paysans, des travailleurs de rangs ou encore des gestionnaires de marchés publics à réfléchir ensemble à quelle forme devraient prendre cette initiative. À travers diverses rencontres, l’idée se concrétise et prend forme en respectant les idées, les peurs et les contraintes des différentes personnes impliquées (ou non) dans ce projet.
Une démarche décentralisée
Je crois également que ce genre de démarche devrait avoir lieu à différents endroits sur le territoire québécois. Ainsi, si les paysans agroécologiques de l’Abitibi désirent se regrouper ensemble et ceux du Témiscamingue dans un autre groupe, se sera leur choix de différencier leur appellation. Un groupe de création pourrait sortir avec une idée de répertoire Web, un autre avec une appellation, un autre avec une image de marque, bref chaque territoire pourra définir les normes et projets qui leur conviennent. Cette démarche pourrait également avoir lieu aux niveaux provincial ou fédéral. Les territoires seront donc libres de choisir le type de gouvernance de leur choix. Ils auront également plus de flexibilité pour accueillir des membres ou des projets selon leur différent stade de transitions agroécologiques. Par exemple, une entreprise qui souhaite être plus agroécologique, mais qui n’est pas encore engagée, pourrait tout de même participer au mouvement si son objectif est de pouvoir apprendre des autres.
Pour une agriculture plus écologique!
En conclusion, je dirai que je vois une appellation beaucoup plus inclusive, qui pourrait regrouper tous les types de projets que ce soit de l’agriculture durable, l’agriculture régénératrice, l’agriculture biologique, la permaculture, l’agroforesterie ou de l’agroécologie. J’ai utilisé le terme appellation, mouvement, certification, mais cela pourrait prendre toutes sortes de formes selon ce que les occupants du territoire en décident. Le fait que ce type de projet soit fait en co-création aidera selon moi à sa viabilité, à l’acceptation et à l’adhésion des différentes parties prenantes.
Ce texte a été rédigé pour le cours de M. Alain Olivier, Fondements et principes de l’agroécologie à l’Université Laval dans le cadre du Microprogamme de 2e cycle en Agroécologie.