Et si l’agriculture biologique n’était pas si écologique que ça ? 

Et si l'agriculture biologique n'était pas si écologique que ça?

Et si l’agriculture biologique n’était pas si écologique que ça ? 

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Travail présenté à Patrick Mundler dans le cadre du cours Systèmes alimentaires et transition agroécologique

Quelle est la différence entre l’agroécologie et l’agriculture biologique?

Les agriculteurs font face à de nombreux défis pour entamer une transition écologique durable et rentable. Outre l’agriculture biologique, l’agroécologie semble avoir plusieurs cordes à son arc pour nous aider dans notre réflexion face au système alimentaire. 

Faire des choix alimentaires lorsque l’on a un grand souci de l’environnement, ce n’est pas si simple que ça. Entre les différentes certifications (Aliment du Québec, Québec vrai, biologique) et les mentions que l’on retrouve sur les emballages (cultivé en sol vivant, porc heureux, bœuf nourrir à l’herbe), les mangeurs sont facilement étourdis. Le choix le plus simple pour une alimentation plus écologique semble être la certification biologique. En effet, les produits issus de cette certification sont facilement accessibles dans les épiceries, bien que plus chers que les produits conventionnels. Ils nous assurent que ce que nous mangeons ne contient pas d’OGM (organisme génétiquement modifié) et est exempt de produits chimiques. Les agriculteurs biologiques sont soumis à un cahier des charges rigoureux afin de respecter les différentes normes établies. Malgré cela, certaines pratiques ne sont pas prises en compte, comme par exemple, la consommation d’eau potable, les conditions de travail des jardiniers ou encore, la diversification des cultures. 

Qu’est-ce que l’agroécologie?

En marge, un mouvement se fait connaître sous le nom d’agroécologie. L’agroécologie est une contraction d’agronomie et d’écologie. Tout comme l’agriculture biologique, l’agroécologie regroupe des pratiques afin de rendre l’agriculture plus écologique. Ces pratiques paysannes visent entre autres à accroître l’autonomie des paysans et la diversité de leurs fermes. Une ferme diversifiée avec de l’élevage, du maraîchage et des vergers permet aux paysans d’avoir différentes sources de revenus et ils sont moins à risque face aux problèmes qui pourraient subvenir. Les paysans ne sont pas les seuls à s’intéresser à l’agroécologie, de nombreux chercheurs étudient ses pratiques et leurs impacts économique, politique ou social dans l’ensemble du système alimentaire. 

Les objectifs de l’agroécologie : autonomie et résilience

À titre d’exemple, sur une ferme en agroécologie, le paysan privilégiera l’utilisation de son compost et de son fumier pour fertiliser ses terres. La réutilisation de cette biomasse permet d’offrir une certaine autonomie en comparaison avec l’achat de fertilisants. Dans ce sens, il pourrait être judicieux de prévoir la présence d’un ou plusieurs élevages sur la ferme. Les animaux permettent également d’augmenter la biodiversité́ sur la parcelle. Le paysan tentera également de varier les végétaux cultivés. L’objectif étant de créer un écosystème qui soit le plus résilient possible avec des interactions entre les éléments. La présence d’arbres sur la ferme pourrait offrir de l’ombre aux bêtes, créer un brise-vent pour le potager et produire des fruits pour la consommation humaine. 

La proximité avec le mangeur

Les fermes qui adoptent l’agroécologie désirent également réduire les distances physiques, sociales et cognitives avec les consommateurs de leur territoire. Pour ce faire, elles privilégieront des circuits courts tels que les paniers ASC (agriculture soutenue par la communauté́), les marchés publics ou encore les kiosques à la ferme. Cette proximité avec leur clientèle leur permet de créer des liens d’attachement avec elle et ainsi de recevoir un revenu plus juste pour leurs produits. Bien entendu, les circuits courts peuvent réduire les effets négatifs des changements climatiques en limitant les transports. Ils permettent également d’éduquer les mangeurs sur la provenance des aliments et leurs conditions d’élevage ou de culture. 

La réalité de l’agriculture 

L’implémentation de circuits courts et la mise en place de pratiques agroécologiques, bien que très intéressantes, sont des tâches qui s’ajoutent au calendrier déjà bien rempli des agriculteurs. Considérées comme des petites et moyennes entreprises, les fermes sont souvent gérées par une petite équipe qui est responsable de toutes les tâches, que ce soit les travaux au champ, la distribution, la gestion, les communications et même la comptabilité. La saison estivale peut alors compter d’innombrables heures de travail, et ce, pour un salaire qui n’est pas toujours à la hauteur des heures travaillées. Malgré cela, ils doivent vivre avec des problèmes environnementaux ou climatiques qui bien souvent amènent une baisse des rendements et des revenus. 

La possibilité de réduire les GES

Dans les dernières années, on a entendu de plus en plus parler des sols vivants. En effet, avec les océans, les sols sont les plus grands réservoirs de carbone. Des pratiques telles que le labour, pratiqué depuis longtemps par les agriculteurs, sont aujourd’hui remises en question en considérant les gaz à effet de serre (GES) qu’ils génèrent et les changements climatiques qui s’en suivent. L’agroécologie mise donc sur des pratiques de travail minimal du sol et même de non-travail du sol. Ce type de pratiques permet de réduire des problématiques vécues par les agriculteurs. Dans un même ordre d’idée, les sols couverts de paillis ou d’engrais vert permettent d’éviter des problèmes comme le lessivage et l’érosion éolienne qui entraînent une perte de fertilité des sols. 

Favoriser une plus grande diversité

Certains agriculteurs qui ont déjà entamé une transition écologique utilisent des pratiques telles que des cultures de couvertures ou des systèmes intercalaires. En plus de protéger le sol, ces pratiques permettent de créer une plus grande biodiversité́ et d’accueillir des insectes. En effet, les champs couverts d’une seule espèce de plantes (notons le maïs ou le soya) sont de bien mauvais habitats pour la faune. Les agriculteurs pourraient ajouter des arbres, des îlots fleuris, des nichoirs ou un étang sur leur parcelle afin de leur fournir un habitat, mais du temps et des investissements sont nécessaires. 

La cause bien connue des abeilles

Certains insectes (autant des ravageurs que les insectes bénéfiques) peuvent être affectés par l’application de produits chimiques tels que les pesticides. Il suffit de penser aux mouvements de protection des abeilles comme le Défi pissenlits qui vise à laisser pousser son gazon au printemps. Les agriculteurs sont parfois confrontés aux groupes qui leur reprochent leurs pratiques conventionnelles comme l’application de pesticides causant la mort d’abeilles. Plusieurs d’entre eux en viennent à vivre de la détresse psychologique. Il est alors important d’accompagner les agriculteurs qui désirent débuter leur transition avec empathie et respect en prenant en considération les nombreux défis auxquels ils font face. 

Agriculture biologique ou agroécologie ? 

Alors, qu’est-ce qui différencie réellement les deux voies ? L’agroécologie, puisqu’elle ne passe pas par la certification, est accessible à tous et ne catégorise pas les fermes comme adhérente ou non. Elle permet ainsi aux agriculteurs d’effectuer une transition à leur rythme. L’agroécologie a également comme principe de réduire les intrants à la ferme, que ce soit les fertilisants ou les insecticides. Bien que l’agriculture biologique utilise des biofertilisants et biopesticides, il n’en demeure pas moins que les paysans dépendent de produits externes à la ferme pour exercer leurs activités. Nous avons pu constater par ailleurs la fragilité de ce type de système durant la récente pandémie de Covid-19 ou encore, la présente guerre en Ukraine. 

Les biais de l’agriculture biologique

En agriculture biologique, il est également possible d’exploiter de grandes fermes en monoculture et d’exporter ses produits vers les marchés internationaux. L’agroécologie, avec sa vision territorialisée, priorise les fermes de petite échelle en circuit court. Bien que les fermes qui soient à la fois biologiques et en circuit court soient encore marginales au Québec, on a vu dans les dernières années un regain de popularité pour ce type de fonctionnement, entre autres grâce au concept de maraîchage bio-intensif popularisé par Jean-Martin Fortier. Il en a découlé une plus grande reconnaissance du travail paysan. Parmi ces agriculteurs, on remarque également une augmentation de la proportion de femmes productrices, plus particulièrement, de femmes éduquées qui désirent démarrer de petites fermes biologiques. L’agroécologie s’intéresse en effet aux rôles qu’occupent les femmes dans l’agriculture. L’agroécologie est également un mouvement qui accorde une grande importance à la justice sociale. 

La transition écologique 

Autant l’agriculture biologique que l’agroécologie ont des avantages écologiques. On compte différents types de fermes et de transitions. Il est souvent plus logique pour un agriculteur de débuter par une conversion vers la certification biologique qui lui permettra de changer des pesticides pour des biopesticides et ainsi réduire les risques de pollution. Il peuvent également se tourner vers des circuits courts, que ce soit en vente directe ou indirecte (par l’entremise d’un seul distributeur). 

Alors, comment faire de meilleurs choix lors de vos achats?

Question de compliquer les choses, on ne s’intéresse plus seulement à savoir si notre aliment est issu de l’agriculture biologique, mais on cherche à connaître les pratiques culturales, les rémunérations des travailleurs et à la méthode de distribution. Cela vous semble fastidieux ? Alors, imaginez le défi qui s’impose pour les agriculteurs qui désirent entamer cette transition. Bien entendu, il est difficile d’ignorer l’impact des changements climatiques sur l’agriculture et il faut tenir compte que l’agriculture y contribuent grandement. Cependant, les agriculteurs ont besoin d’accompagnement et de ressources financières pour leur permettre d’effectuer une transition écologique durable, juste et équitable. De nombreuses questions se posent à savoir si les agriculteurs devraient recevoir des rémunérations lorsqu’ils effectuent des pratiques écologiques. D’un autre côté, plus notre système alimentaire est diversifié avec des agriculteurs conventionnels en grandes cultures, des producteurs biologiques ou des paysans agroécologiques, plus il est diversifié et donc, à son tour, plus résilient.